Jean-Jacques DEBOUT : "Johnny vit avec le public qui coule dans ses veines"

Par Thierry Cadet
Le 12 novembre 2014
11 mins
Jean-Jacques DEBOUT : "Johnny vit avec le public qui coule dans ses veines"
Crédit photo : Melody

C’est à l’occasion de la parution de son album « Sur le chemin du bonheur », et de son concert donné ce dimanche, au Théâtre Sébastopol de Lille (et le 4 décembre au Théâtre Trianon de Bordeaux), que Jean-Jacques DEBOUT est venu répondre aux questions de Thierry CADET dans les locaux de Melody.

Melody (Thierry CADET, rédacteur) : Êtes-vous surpris par le succès de vos deux volumes de guinguettes « Sous le soleil des guinguettes », dont le premier est certifié disque d’or ?

Jean-Jacques DEBOUT : Surtout du premier, et y’a de quoi ! J’ai été surpris du succès du premier parce que c’était une tentative. Alors que j’avais débuté à Périgueux, autrefois, dans un orchestre qui m’avait entendu chanter à l’Île-de-Ré et m’avait dit : Vous ne voulez pas continuer avec nous ?. Je suis finalement resté un an dans cet orchestre, l’orchestre de Marcel DEBERNARD, et puis là j’ai appris évidemment toutes les chansons de guinguettes parce que je ne les connaissais pas toutes. A l’époque je connaissais juste les succès du moment parce que je m’intéressais à la chanson, mais après j’ai appris les tangos, les pasodobles, ce qui faisait danser les gens, vous savez, dans les parquets de province. Et alors j’ai appris mon métier là-bas avec l’orchestre Marcel DEBERNARD, et puis après il a fallu que je remonte à Paris parce-que m’attendait la maison Vogue. J’avais signé un contrat avec les disques Vogue avant de partir en vacances. C’est là que j’ai écrit ma chanson « Les boutons dorés » (ndlr : il chante en casquette à boutons dorés…), et puis ça s’est mis à décoller depuis chez Vogue. A l’époque je me trouvais avec Colette RENARD qui était la grande vedette des disques Vogue. Elle m’a pris dans des programmes avec elle, PATACHOU m’a fait débuter dans son cabaret à Montmartre, place du Tertre, et ça ne s’est plus arrêté. J’ai rencontré à Montmartre, un jeune garçon qui était venu m’attendre parce qu’il avait entendu que j’allais passer sur Europe 1 dans « Musicorama« , et la vedette en était Gene VINCENT. Et comme il était très intéressé par le fait de rencontrer Gene VINCENT, il m’avait dit : Voilà, j’aime bien vos chansons mais je ne vous cache pas que c’est surtout Gene VINCENT que je veux voir, et j’ai entendu que vous étiez dans le programme. Je lui ai dit : Ecoutez, ça va se passer vendredi. Venez à l’entrée de l’Olympia vendredi prochain, je serai là et je vous ferai entrer avec moi. Vous viendrez répéter avec moi, et vous allez forcément rencontrer Gene VINCENT puisqu’on sera tous sur le plateau, et qu’on a des loges les uns à côtés des autres. Il a effectivement rencontré Gene VINCENT ; je lui ai présenté Bruno COQUATRIX, et il est devenu Johnny HALLYDAY. Johnny avait de très bons rapports avec Gene VINCENT, ils ont même fait un boeuf sur la scène ensemble. Et puis un jour, je l’ai emmené chez Jacques WOLFSOHN qui dirigeait les disques Vogue rue d’Hauteville, et WOLFSOHN l’a engagé pour faire ses premiers disques.

TC : Quelques mots sur le retour de Johnny HALLYDAY, qui sortira le 17 novembre prochain son nouvel album « Rester vivant » ?

JJD : C’est pas étonnant. Vous savez Johnny, il vit avec le public qui coule dans ses veines. Tant que le public sera là, Johnny sera là. Johnny c’est l’enfant terrible, les gens ont vécu en même temps que lui. On peut dire sur Johnny qu’il est indissociable de l’histoire de… je ne dirais pas du rock parce qu’il n’a pas fait que du rock, mais c’est un personnage qui compte, comme a compté à son époque Maurice CHEVALIER. Comme a compté aussi, pour mes parents, Charles TRENET. L’héritier de ces grands artistes là, c’est Johnny. Et regardez comme il chante encore !

TC : Vous arrivent-ils de vous voir tous les deux ?

JJD : De moins en moins. D’abord il vit à Los Angeles, et quand il est à Paris, sa journée est tellement remplie de rendez-vous… mais il y a un peu près un an, on s’est rencontré au restaurant pour prendre un verre ensemble, ou alors il m’appelle au téléphone.

Jean-Jacques Debout

TC : Vous vous offrez donc une seconde carrière de chanteur, onze après après votre album « Les enfants du paradis » paru en 2003, et dix-sept ans après son prédécesseur « A Long Island » paru en 1997 !

JJD : Vous savez pourquoi j’ai chanté les guinguettes ? Parce-que, quand j’étais petit – je suis né pendant la guerre durant les années 40, on se cachait à la campagne chez ma mère, près de Saint-Aignan-sur-Cher. Ma maman avait un petit poste en bakélite et on écoutait les appels du Général DE GAULLE. Et entre ses appels, on nous passait des chanteurs. Maurice CHEVALIER chantait « La chanson du maçon« , on commençait à entendre Charles TRENET avec « Fleur bleue« , y’avait PIAF – qu’on appelait La môme PIAF, et qui chantait « L’accordéoniste« , j’apprenais les chansons de tous ces chanteurs qu’on entendait. Et moi je rêvais, je me disais : Oh mon Dieu, si je pouvais chanter un jour !. C’était toute ma vie. Ça a commencé comme ça. On entendait FREHEL aussi, elle chantait « La java bleue« , et c’est comme ça que sans le faire exprès, j’ai appris « La java bleue » que j’ai rechantée plus tard, en souvenir de FREHEL et en souvenir de ma maman qui l’aimait beaucoup.

TC : Georgette LEMAIRE nous a confié pour Melody, à propos du succès de vos disques de guinguettes : Tout le monde peut les chanter, même mon voisin de palier peut chanter les guinguettes, y’a pas besoin d’être chanteur

JJD : Elle a dit ça (déçu) ? C’est faux ! Y’a rien de plus difficile que de chanter les guinguettes. Ce sont des mélodies qui partent assez bas, qui peuvent monter très très haut, et il faut avoir la force de pouvoir les chanter. Je ne veux pas être polémique, mais si on se souvient d’Yves MONTAND, il avait des tessitures… quand il chantait « A Paris« , c’est pas facile à chanter une chanson comme « A Paris« … Elle a dit que c’était facile de chanter des guinguettes ? (silence) Oui, parce que ça fait danser, parce que ça a le côté guinguette ; mais pour chanter bien des guinguettes, je vous promets qu’il faut savoir chanter.

TC : Pour finir, comment s’est passé le choix des chansons sur le dernier album « Sur le chemin du bonheur » ?

JJD : D’abord j’ai voulu écrire quelques chansons sur ce disque, j’ai écrit « Sur le chemin du bonheur« , « On regarde le Tour de France« , parce que je l’ai suivi très souvent puisque j’étais un ami de Jacques ANQUETIL ; j’étais même passé à Lille avec ANQUETIL l’année où il l’avait gagné. Pour le reste, ça s’est fait en fonction des chansons que j’aimais chanter, que je chantais quand j’étais plus jeune. Par exemple, je me souviens que ma grand-mère qui habitait rue Fromentin, près de la place Pigalle, adorait aller au Moulin Rouge, et c’est normal. Alors j’ai eu envie de chanter « Moulin Rouge » (ndlr : il chante Moulin des amours, tu tournes tes ailes). J’ai eu envie de chanter des chansons des grands boulevards que j’entendais à l’époque sur les grands boulevards. J’ai voulu chanter des chansons de TRENET que j’adore comme « Fleur bleue » ou « Y’a d’la joie« , « Tout est au Duc » qui est une chanson dont les gens ne se souviennent plus parce que c’était la guerre ; et TRENET venait la chanter au Boeuf sur le Toit, mais à l’époque on avait toujours peur qu’il y ait des allemands dans la salle, alors Charles n’aimait pas trop s’étendre, mais c’est une chanson absolument extraordinaire. Et moi je connaissais toutes ces chansons-là, alors ça n’a pas été très difficile parce qu’il suffisait de choisir dans ce que j’aimais le plus chanter, et c’est ce que j’ai fait.

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