Alain Bashung - La nuit je mens et la quête du deuil amoureux
Aujourd’hui, revenons sur un bijou de la chanson française. Un titre qui traversera les générations et sera sans aucun doute étudié dans les écoles et les universités. Digne de la plus pure tradition surréaliste, Alain Bashung signe en 1998 La nuit je mens. Entre références historiques et tumultes amoureux, que cache réellement ce chef d’œuvre de la variété française ?
Un résistant
Lorsque l’on écoute La nuit je mens, le sens premier qui nous vient à l’esprit est bien évidement celui de la résistance, celui de la guerre. Le Vercors, la nuit, les trains, le mensonge ou l’écho, tant d’images qui nous plongent dans la résistance et la clandestinité.
Vous vous en doutez, il ne s’agit que d’une grille de lecture. Mais avant de démêler le ou les sens de la chanson, poursuivons sur le second aspect du texte.
Un divorce
Nous sommes en 1997. Alain Bashung se sépare de Chantal Monteraselli. Le divorce sera difficile et se terminera dans la douleur en 1999.
Mais pourquoi cette information ? Car La nuit je mens sort dans un climat de détresse sentimentale où le chanteur est perdu dans cette « histoire d’eau ». Une fois de plus, regardons le champ lexical de la séparation et du besoin de conservation : subsister, t’accaparer, dynamiter… Nous sommes bel et bien dans le refus du deuil. Il se ment à lui-même.
Mais en quoi ce mensonge effronté a-t-il un lien avec la résistance ?
La mise en abime
Nous l’évoquions en introduction, Bashung se place dans une tradition surréaliste. Mouvement artistique apparu au début du XXe siècle où la beauté prime sur la raison. De fait, il paraît hasardeux de mélanger la résistance et le désespoir amoureux. Pourtant, l’association des deux thèmes créée un objet artistique intime et profond.
Lorsque Alain Bashung chante La nuit je mens, il met en abime sa propre histoire sentimentale sous couvert des résistants de la seconde guerre mondiale. En effet, le chanteur est seul face à ses démons comme pourrait l’être un résistant face à l’occupant allemand.
Les murènes qu’il côtoie, les plaines qu’il traverse de concerts en concerts, ne sont que des mensonges. Le chanteur inhibé de la femme qui partageait sa vie est complètement pris par son écho.
Ainsi, la guerre qu’il suggère dans la chanson est en réalité une guerre intérieure à la recherche du deuil. Il tourne dans sa tête « des montagnes de questions » et des « malentendus » qui l’empêchent d’avancer. Ne pouvant plus voir l’avenir, il ère la nuit dans ce « Vercors » symbole de la résistance, de sa résistance. Il devient un voleur d’amphores comme si ces dernières renfermaient les ultimes traces d’un amour passé.
Pourquoi est-elle partie avec ce « dresseur de loulous » ? Celui qui dynamita leur aqueduc, symbole d’un lien indéfectible ou coulait des « kilomètres de vie en rose ». Vous l’aurez compris, nous sommes bel et bien dans une chanson de rupture ou le chanteur est en résistance contre la fatalité de sa relation. Elle est partie, lui reste seul perdu dans son écho…
Quelle grille de lecture choisir ?
La force de cette chanson réside dans sa capacité à sublimer l’évocation. Alain Bashung ne dit pas clairement qu’il vit une séparation douloureuse, ni même un hommage aux résistants de la dernière heure. Et tant mieux ! Il n’y a jamais une seule façon d’interpréter une chanson et La nuit je mens en est le parfait exemple.
Merci à Alain Bashung pour ce chef d’oeuvre intemporel…
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