Chronique du nouvel album d'Alain Souchon "Âmes fifties"

Par Alexandre Demartin
Le 5 novembre 2019
5 mins
Chronique du nouvel album d'Alain Souchon "Âmes fifties"
Crédit photo : Melody

Ecouter un nouvel album d’Alain Souchon c’est comme recroiser un vieil ami dont on ne possède guère de nouvelles au fil des ans mais que l’on retrouve comme si on l’avait quitté la veille. Souchon c’est en effet un style, une patte reconnaissable entre mille et quelqu’un qui nous fait à chaque fois passer un délicieux moment.

Trois Souchon derrière cette aventure

Dans cet effort, place cette fois à non pas un mais trois Souchon puisque Charles et Pierre s’avèrent être derrière cette aventure. Et les chiens ne faisant pas des chats, un concentré d’autant de talents ne pouvait que nous offrir un album convaincant.

Ce dernier s’ouvre d’ailleurs avec les deux premiers singles aux influences ch’ti : le titre éponyme d’abord, portait réaliste et tout en finesse de la France d’après-guerre, oscillant entre baie de Somme et région parisienne. Presque, ensuite, et sa grand’ place lilloise, théâtre d’un rendez-vous amoureux balbutiant et symbolique d’une attitude empreinte de timidité.

On sait que le sieur Souchon aime à se nourrir de toutes les inspirations musicales. Et dans musique il y a aussi celle que certains nomment la Grande Musique. Alors quoi de plus logique qu’un détour au hasard des artistes classiques et notamment Debussy et Gabriel Fauré. Un moment suspendu guidé par les divagations du piano à queue.

La mélancolie, l’un des terrains de jeux favoris du chanteur

Sur Un terrain en pente, s’installe l’insouciance de l’enfance, comme une suite à Allô maman bobo. « Moi et mon ennui on va tous deux là-haut » nous dit ce marmouset comme une chanson douce et mélancolique.

Car la mélancolie, voilà bien l’un des terrains de jeux favoris du chanteur alors même que ce dernier assume pleinement son âge et le temps qui passe. En témoigne la pochette de ce disque où l’artiste se présente tel qu’il est, sans tricher un seul instant. Et cela se ressent dans ses productions.

Furieusement actuel, Alain Souchon n’hésite cependant pas à regarder avec nostalgie le passé. On s’ramène les cheveux aborde, dans une chansonnette typiquement souchonnienne, des souvenirs qui font sourire, évoquant au passage Calais et la côte britannique. On s’aimait donne une nouvelle fois la part belle à l’amour mais un amour fugace et désormais lointain, le tout avec cette pudeur caractéristique du personnage.

Une source d’inspiration pour de multiples générations

Aussi paradoxal que cela puisse paraître, ce qui ressort de cet album c’est avant tout un passé très présent. Aussi bien pour se remémorer des tranches de vie que pour évoquer des épisodes amoureux, Alain Souchon sait employer des termes qui parleront à chacun. C’est dans ces moments qu’il est en quelque sorte intemporel, source d’inspiration pour de multiples générations d’artistes face auxquels il a toujours su trouver les mots justes.

Sans surprise, la mélancolie garde une place de choix jusqu’à la conclusion de l’opus où elle revêt les traits d’une mélancolie joyeuse, car c’est aussi ça Alain Souchon…oserions-nous même dire « c’est déjà ça ».

Au final, c’est une promenade hors du temps qui nous est proposée, et l’on se laisse guider aveuglement par le talent du poète. S’il fallait émettre une critique ce serait l’évident manque de prise de risques mais est-ce vraiment nécessaire ? De même, la durée de l’album pourra frustrer les puristes mais à défaut d’un quart d’heure américain on se satisfait bien volontiers de cette demi-heure souchonienne. Surtout quand elle est aussi bien ficelée et si finement composée.

                                                                                                                                                                                                        Par Alexandre Melody