Chronique du nouvel album de Stephan Eicher "Homeless Songs"

Par Alexandre Demartin
Le 15 octobre 2019
6 mins
Chronique du nouvel album de Stephan Eicher "Homeless Songs"
Crédit photo : Melody

L’automne est bien là, les vacances ne sont désormais plus qu’un lointain souvenir et il faut se résoudre à revoir les premières feuilles tomber et le temps s’assombrir. Autant de raisons de laisser s’immiscer en nous un léger spleen et un besoin de quiétude.

C’est dans cet esprit que s’inscrit le nouvel opus de Stephan EICHER sobrement intitulé « Homeless Songs ». Composé de 14 titres, ce dernier se veut empreint de nostalgie sans pour autant tomber dans le pathos. Avec la grâce de cette plume qui n’est plus à prouver, le suisse nous plonge dans ce roman de douceur et de subtile mélancolie.

Plongée dans une ambiance à la Kerouac

Cela commence tout de go avec Si tu veux (que je chante), où, habillée par la guitare sèche, s’exprime toute l’usure du personnage. « Les paroles ne viennent plus / comme sec et mon cœur » sont autant de témoins du temps faisant son œuvre.

Le titre éponyme se veut quant à lui un excellent résumé de l’atmosphère de l’album, parsemé de ballades à la Dylan fleurant bon les conifères majestueux et le feu de bois crépitant. De même un peu plus loin, Monsieur – Je ne sais pas trop incarne parfaitement cette ambiance à la Kerouac, fruit de pérégrinations diverses et amenant avec elles son lot d’épreuves à endurer.

Entre temps, Prisonnière, accompagnée par violons et piano, prend les traits d’une valse du XIXe siècle dans une conversation entre l’Homme et l’être aimé. « Prenez-moi dans vos bras mon cher et oublions tout », de quoi en une phrase symboliser toute l’émotion présente dans ce titre, sans doute le joyau de cette production. Un frisson à comparer au Dangereuse de CHRISTOPHE, sorti il y a maintenant quelques années.

Un album au charme délicieusement désuet…

Niene Dehei puis Gang Nid Eso ont comme dénominateur commun ce charme délicieusement désuet d’un son provenant d’une époque aujourd’hui plus que révolue. Entre intro salvadorienne et phrasé romanche pour l’un et ambiance yiddish pour l’autre, l’on ressent aisément le vécu et les failles de l’artiste.

Plus de doute possible, Ces Homeless Songs s’avèrent être une véritable ode à la mélancolie, à l’image de Haïku – Papillons et ce « Où que tu ailles où que tu sois » répété comme une totale expiation.

…et au mode de vie hobo

Né un ver, petite ritournelle à la Delerm, apporte une once de légèreté à une atmosphère disons-le un tantinet pesante. Mais très vite, ce vague à l’âme revient au galop dès le titre suivant Toi et ce monde que l’on pourrait résumer en « Déprime, à quoi tu rimes » chère à Sylvie VARTAN. Tout le champ lexical de la blessure semble y passer et est magnifié par ce banjo nous renvoyant vers les grands espaces américains.

On s’imagine alors propulsés au temps de la Prohibition, entre petits shots de whisky descendus au bar et fastes à la Gatsby arrosés de champagne (le tout avec modération). Avec une sonorité de piano saloon, c’est d’ailleurs ce chemin que va suivre le trio Red – Eicher – Miossec dans La fête est finie (aucun rapport avec le rappeur Orelsan), le héros de Fitzgerald étant d’ailleurs cité.

Ainsi dans cet album, Stephan Eicher revêt les habits d’un vagabond au grand cœur pour nous narrer sa vision de la vieillesse à travers un mode de vie hobo qui, bien que parfois fantasmé, lui colle si bien à la peau. La conclusion dans la langue de Goethe, semblable à un petit requiem composé de cuivres, vient admirablement terminer le chapitre d’un livre aux pages un peu défraîchies mais que l’on parcourt néanmoins avec gourmandise. Un conte que l’on prendra assurément plaisir à savourer en live.

Par Alexandre Melody