L'emmerdant c'est la rose - Quand Thierry Le Luron s'attaquait à Mitterrand

Par Gilles Farina-Vallé
Le 15 octobre 2022
4 mins
L'emmerdant c'est la rose - Quand Thierry Le Luron s'attaquait à Mitterrand
@INA

Ah le bon vieux temps de la télévision en direct ! Nous en gardons tous un excellent souvenir car elle était le symbole de l’imprévu et des surprises. Une surprise de Thierry Le Luron que Michel Drucker n’est pas prêt d’oublier…

Nous sommes le 10 novembre 1984. L’émission Champs-Élysées est diffusée en direct du Pavillon Gabriel. L’émission touche à sa fin et Thierry Le Luron, l’imitateur en vogue à l’époque, chante une dernière chanson. Lors de la répétition, certainement par peur d’être censuré, l’imitateur ne dévoile pas son texte. En effet, il se contente de chanter la mélodie avec des « la la la ». La chanson ? L’important c’est la rose de Gilbert Bécaud.

Après une introduction de Guy Lux, et doté d’un humour acide et provocateur, Thierry Le Luron se lança dans la parodie. Dès les premières paroles on comprend que le texte va faire scandale :

Le dix mai il y a trois ans fut un jour extraordinaire,
A bien marquer d’une pierre, oui vraiment
L’Élysée prit pour sept ans, un drôle de locataire,
Un socialiste exemplaire : Mitterrand

L’imitateur s’en prend au locataire de l’Élysée, François Mitterrand… Inflation, la dette le risque de banqueroute tout est bon pour dénoncer la politique inflationniste et l’interventionnisme de l’état dans l’économie. En somme, une parodie classique de Le Luron pour critiquer la politique intérieure.

Puis, le refrain « l’important c’est la rose » détourné en « l’emmerdant c’est la rose » ne laisse plus aucune place à la mesure. On comprend que l’imitateur s’adresse directement en Président de la République, la rose étant l’emblème du socialisme. Le regard droit devant la caméra, Thierry Le Luron dédie sa parodie directement à Mitterrand. Un pari extrêmement osé pour l’époque !

Des socialistes en coeur ?

Comble de l’ironie, ce soir là au Studio Gabrielle, une partie du publique était composée de Lillois partisans de Pierre Mauroy alors premier ministre. Lorsque l’imitateur fait reprendre en coeur son refrain aux spectateurs, l’amertume au plus haut sommet de l’état doit être à son apogée. « ça remplace un referendum, ça ! » ultime provocation à l’encontre de François Mitterrand. Imaginez l’état dans lequel devait se trouver Michel Drucker à ce moment là…

D’ailleurs, si vous y faites attention, on remarque de Thierry Le Luron dit à Michel Drucker » Merci Michel c’était ta dernière émission ». Ce à quoi le présentateur répond » À samedi… j’espère ! ». Une scène surréaliste où l’ombre du pouvoir plane sur le service public. En effet, après l’émission le scandale ne tarde pas à éclater… Jack Lang tombe sur l’émission. Le Président de la République est au courant. Une parodie qui lui vaudra un contrôle fiscal et un sacré savon pour Michel Drucker !

Ainsi, l’emmerdant c’est la rose a marqué l’histoire de la télévision pour longtemps…

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