Ma France de Jean Ferrat : Une chanson transpartisane ?

Par Gilles Farina-Vallé
Le 7 avril 2023
6 mins
Ma France de Jean Ferrat : Une chanson transpartisane  ?
Ma France de Jean Ferrat : Une chanson transpartisane ?

À qui s’adresse la chanson française ? À un public précis ? De gauche ? De droite ? À tout le monde ? Une chose est certaine, la richesse du répertoire s’inscrit dans la liberté de ses auteurs et compositeurs. Une liberté parfois remise en question selon les époques, mais qui a donné naissance à une myriade de chefs d’œuvre. Aujourd’hui, Melody revient sur l’une des chansons les plus célèbre de Jean Ferrat : Ma France. Une déclaration d’amour à sa France qui reste aujourd’hui encore une chanson extrêmement populaire. Mais est-ce pour autant une chanson transpartisane ?

Jean Ferrat – Un artiste engagé

Jean Ferrat a longtemps été durant sa carrière un chanteur engagé. Souvenons-nous de Nuit et Brouillard, d’un Air de Liberté ou encore de Potemkine. En 1969, Jean Ferra décide de chanter Ma France, une déclaration d’amour à son pays.

De fait, en un peu plus de trois minutes, le chanteur énumère par la poésie les attraits physiques, historiques, sociologiques et politiques de la France depuis 1789. En effet, les deux premiers couplets retranscrivent la topographie de la France, de ses aspérités à son climat.

De plaines en forêts de vallons en collines
Du printemps qui va naître à tes mortes saisons
De ce que j’ai vécu à ce que j’imagine
Je n’en finirai pas d’écrire ta chanson
Ma France

Dans un second temps, Jean Ferrat revient sur l’histoire de sa France en évoquant la commune de Paris et Adolphe Thiers, les travailleurs dans les usines ou des mineurs de charbon. Il chante la France ouvrière et la France populaire.

Enfin, Jean Ferrat rappel à la fin de la chanson les années “trente-six à soixante-huit chandelles” soit 1936 et 1968 pour montrer une France en perpétuel gain d’acquis sociaux. Une France qui se bat pour vivre et survivre.

Qu’elle monte des mines, descende des collines
Celle qui chante en moi, la belle, la rebelle
Elle tient l’avenir, serré dans ses mains fines
Celle de trente-six à soixante-huit chandelles
Ma France

Vous l’aurez compris, nous sommes bel et bien dans une chanson engagée. Un texte où Jean Ferrat dépeint la France avec sa sensibilité communiste. Et c’est cet élément qui ne plaira absolument pas au pouvoir gaulliste.

Une chanson censurée

Dans Ma France, Jean Ferrat s’adresse directement au gouvernement de Charles de Gaulle. Le chanteur émet un jugement sur la politique du mouvement :

Cet air de liberté au-delà des frontières
Aux peuples étrangers qui donnaient le vertige
Et dont vous usurpez aujourd’hui le prestige
Elle répond toujours du nom de Robespierre

Vous vous en doutez, la chanson sera rapidement censurée par l’ORTF. Les crimes et les erreurs sont directement imputés aux autorités, responsables selon le chanteur des événements tragiques de la fin des années 60. Pendant un an, Ferrat est ainsi interdit d’antenne. C’est Yves Mourousi qui diffusa en premier un extrait de Ma France le 31 janvier 1970. La censure fut brisée et Ferrat continua d’interpréter la chanson.

Une chanson transpartisane ?

Revenons à la problématique principale : Ma France est-elle une chanson transpartisane ? Capable d’être écoutée et appréciée sans considération politique ? Sans aucun doute.

En effet, dans cette chanson, Jean Ferrat chante SA France. De son histoire, de ses tragédies ou de ses paysages, le chanteur dépeint sa vision de son pays. C’est à la première personne que le chanteur nous offre le portrait d’une France que l’on peut qualifier « de gauche ».

Mais le coeur et la beauté de la chanson résident dans ce lien fusionnel entre le texte et l’interprète. Un lien qui touche le public quel que soit ses sensibilités politiques. Ainsi, Ferrat ne chante pas une chanson partisane ou un texte politique mais bel et bien une chanson engagée. Un titre qui dépeint sa vision de la France.

Que je chante à jamais celle des travailleurs
Ma France

Ainsi, Ma France reste avant tout un chef d’œuvre de poésie associant les images de la France à son histoire. Une histoire certes choisie, mais qui mise en chanson est remarquablement belle si l’on met de côté toutes les étiquettes politiques. Autrement dit, Ma France est une partie du grand nuancier de la chanson française au même titre que Douce France de Trenet, Hexagone de Renaud ou encore J’habite en France de Michel Sardou.

L’important, c’est de se retrouver pour partager et écouter de belles chansons !

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