La France à l'Eurovision : nos meilleurs classements

Par Thierry Cadet
Le 17 mai 2019
11 mins
La France à l'Eurovision : nos meilleurs classements
Crédit photo : Marlyse Press Photo

Certes, nous n’avons pas remporté le Grand Prix Eurovision de la Chanson depuis… 1977. La France a même été reléguée plusieurs années consécutives dans les profondeurs du classement. Mais en 2016, AMIR a redonné espoir aux français en arrivant à la 6ème place. Il y a quarante-deux ans, Marie MYRIAM faisait triompher les trois couleurs de notre pays avec « L’oiseau et l’enfant« . Ce dernier n’avait pas gagné depuis 1969 grâce à Frida BOCCARA et à « Un jour, un enfant » — par ailleurs ex-æquo avec l’Espagne, les Pays-Bas et le Royaume-Uni. Cette éventualité n’ayant pas été envisagée par le règlement, les quatre pays furent déclarés vainqueurs. Avant elles deux, Isabelle AUBRETUn premier amour« , 1962), Jacqueline BOYERTom Pillibi« , 1960) et André CLAVEAUDors, mon amour« , 1958) étaient eux aussi arrivés sur le podium.

Depuis 1977, si les détracteurs du concours s’accordent à dire que nous ne gagnerons plus à cause des votes géopolitiques (un argument réducteur ; même s’il est vrai que pour gagner l’Eurovision, il ne suffit plus à la France de séduire ses voisins directs comme au début du concours, mais d’aller chercher des points en Europe centrale et orientale), on retient bien trop communément les échecs, oubliant trop vite que l’Hexagone a depuis quarante-deux ans décroché de belles positions — avec même des tubes à la clef !

En 1978, Joël PRÉVOST pointe 3ème sur 20 pays avec « Il y aura toujours des violons« , et l’année suivante, rebelote avec Anne-Marie DAVID, qui se classe elle aussi 3ème sur 19 participants, avec « Je suis l’enfant-soleil« . En 1981, Jean GABILOU obtient également la médaille de bronze avec « Humanahum » (sur 20 pays). La chanson est écrite par Jean-Paul CARA et par Joe GRACY (décédé le mois dernier), l’équipe derrière la dernière chanson gagnante « L’oiseau et l’enfant« .

En 1983, 1984 et 1989, notre pays se classe 8ème grâce à respectivement, Guy BONNETVivre« ), Annick THOUMAZEAUAutant d’amoureux que d’étoiles« ) et Nathalie PÂQUEJ’ai volé la vie« ). Des scores très honorables.

Les années 90 commencent en fanfare avec une seconde place ! Cette année-là, c’est Joëlle URSULL (ex-ZOUK MACHINE) qui est choisie pour nous représenter avec une chanson signée Serge GAINSBOURG, « White & Black Blues« . Rappelons que c’est Serge GAINSBOURG qui faisait triompher France GALL pour le Luxembourg en 1965 avec sa « Poupée de cire, poupée de son« .

« White & Black Blues » est intégralement interprétée en français, comme l’impose la règle entre 1976 et 1999, avec quelques mots en anglais. A l’issue du vote, Joëlle URSULL obtient 132 points, et se classe 2ème (à égalité avec l’Irlande) sur 22 morceaux. L’Italie ressort vainqueur grâce à Toto CUTUGNO et son ode à l’Europe : « Insieme: 1992« . Il est d’ailleurs étonnant de constater que les chansons « White & Black Blues » et « Insieme: 1992 » seront deux tubes en France durant l’été 1990, à une époque où on vendait encore du disque. La première n°2 du Top 50 (juste derrière « Maldòn » de… ZOUK MACHINE), s’écoulant à près de 500 000 passages en caisse, et la seconde n°9.

L’année suivante, c’est un cas particulier et dommageable pour notre pays qui se produit. AMINA qui représente la France avec « Le dernier qui a parlé… » arrive première ex-æquo en nombre de points (146) avec la Suède. En cas d’égalité, ce sont les votes maximums qui comptent — une règle méconnue de notre commentateur Léon ZITRONE. Sa concurrente suédoise a obtenu comme elle quatre fois la note maximum, de ’12 points’. Ce sont donc les ’10 points’ qui les départageront. AMINA a obtenu deux fois cette note, contre cinq pour CAROLA, qui remporte l’Eurovision avec « Fångad av en stormvind« . En 1991, la France frôle la victoire, mais termine deuxième (sur 22 pays). Maigre consolation : AMINA fera de sa chanson « Le dernier qui a parlé… » un joli succès d’été, totalisant neuf semaines de présence au Top 50 et une 30ème place au compteur.

En 1993, Patrick FIORI, encore peu connu du grand public (même s’il a déjà participé au télé-crochet « Les habits du dimanche« ) est envoyé à Millstreet en Irlande pour nous représenter avec « Mama Corsica« . La chanson, écrite et composée par François VALÉRY, est rédigée en français avec quelques phrases en corse. C’est la première fois qu’une chanson est interprétée dans cette langue au Grand Prix Eurovision (avant la chanson « Sognu » d’Amaury VASSILI en 2011). Patrick FIORI, accompagné par deux joueurs de banjo, et par deux choristes, se classe 4ème sur 25 participants ! Un beau succès.

Les années 90 se poursuivent sous les meilleurs auspices pour la France, puisqu’en 1995 et en 1997, Nathalie SANTAMARIA et FANNY se classent respectivement 5ème et 7ème avec « Il me donne rendez-vous » pour l’une et « Sentiments songes » pour l’autre. La première, âgée de 22 ans, défend cette chanson (très Patricia KAAS) écrite par Didier BARBELIVIEN et composée par François BERNHEIM, sur les rendez-vous successifs d’une jeune femme avec son amant, et la seconde, âgée d’à peine 18 ans, vante les états d’âme d’une adolescente, sur un texte écrit par Jean-Paul DRÉAU, qui compose aussi la musique. FANNY s’était fait remarquer six ans plus tôt par le télé-crochet de l’émission de Jean-Pierre FOUCAULT « Sacrée soirée » (« Les n°1 de demain« ), Edith PIAF.

Dans les années 2000, c’est une avalanche de bonnets d’ânes, sauf pour trois de nos représentantes : Natasha ST-PIER, Sandrine FRANÇOIS et Patricia KAAS. En 2001, 2002 et 2009, la France sauve en effet son honneur en intégrant le Top 5 à deux reprises, puis le Top 10. La canadienne Natasha ST-PIER séduit Robert GOLDMAN qui lui offre « Je n’ai que mon âme« . Elle est choisie pour représenter la France avec cette chanson qui lancera par ailleurs sa carrière dans notre Hexagone. Lors de son passage, Natasha ST-PIER garde le titre original français, chante les 2/3 de la chanson dans la langue de Molière, puis le dernier couplet dans celle de Shakespeare. Elle se classe 4ème sur 23, et décroche un tube certifié disque d’or avec près de 350 000 exemplaires vendus (2ème du Top 50 durant deux semaines en juin 2001) !

L’année suivante, Sandrine FRANÇOIS, une artiste inconnue du grand public, est repérée par le producteur et compositeur Erick BENZI dans l’émission « La vie à l’endroit » de Mireille DUMAS. France Télévisions la choisit pour défendre nos couleurs avec « Il faut du temps« , une chanson écrite par Patrick BRUEL, sur une musique de Rick ALLISON (le compositeur de Lara FABIAN). A l’issue du vote, la jeune femme obtient 104 points, et se classe 5ème sur 24 pays.

En 2009, c’est une artiste confirmée et d’envergure internationale qui défend nos couleurs : Patricia KAAS. La finale se déroule à Moscou en Russie, le jour de l’anniversaire de la mort de la mère de la chanteuse (décédée vingt ans plus tôt), où cette dernière jouit d’une grosse popularité. Patricia KAAS se classe finalement 8ème sur 25 avec « Et s’il fallait le faire » (composée par Fred BLONDIN et écrite par Anse LAZIO), issue de son dernier album, cumulant 107 points, malgré une prestation saluée. Elle est récompensée du prix Marcel-Bezençon de la meilleure performance artistique, décerné par les commentateurs de l’événement. Certains observateurs n’hésitent pas à regretter le choix d’une chanson peu entraînante, accompagnée d’une mise en scène statique.

Les années 2010 ne seront pour l’instant sauvées que par AMIR, qui redonne des couleurs vives à notre drapeau grâce à une 6ème place décrochée en 2016 avec « J’ai cherché« . La chanson écrite et composée par lui-même, Johan ERRAMI et Nazim KHALED, fait partie des favorites de la compétition. Avant la finale, elle arrive en tête du classement de l’Organisation générale des amateurs de l’Eurovision, et troisième des bookmakers. Après la finale, « J’ai cherché » devient un énorme tube ! « Youh ouh ouh ouh ouh » envahit les ondes, décroche la seconde place des meilleures ventes de singles en France, est certifiée disque de platine (cumulant en ventes digitales + streaming, près de 400 000 fans), et lance la carrière du chanteur franco-israélien.

 

LE SAVIEZ-VOUS ?

Joe GRACY, l’auteur de la chanson « L’oiseau et l’enfant« , est décédé le 29 avril dernier, à Nice. Il avait écrit cette chanson qui nous fait triompher à l’Eurovision en 1977, mais aussi « Humanahum » pour Jean GABILOU (3ème à l’Eurovision en 1981), et quelques textes pour Franck OLIVIER, Noëlle CORDIER ou SOPHIE & MAGALY. Marie MYRIAM a rendu hommage sur les réseaux sociaux, à celui qu’elle considérait comme son « deuxième père« .

Par Thierry Cadet